Mgr Ignatius ANIPU
Homélie du 1er juin 2025
Nous sommes dans le temps pascal, nous venons de célébrer l’Ascension du Seigneur et nous attendons le jour de la Pentecôte où le Seigneur nous fera le don de l’Esprit Saint, le don promis par le Père. Les lectures que nous venons d’écouter m’ont inspiré quatre choses que je m’en vais partager avec vous. Il s’agit du contexte de la prière de Jésus, le contenu de sa prière, la perspective missionnaire de sa prière et enfin la contemplation de la gloire de Jésus dans le Ciel. Le contexte de notre Evangile est grave. C’est « à l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi : » Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi C’est juste avant sa passion, sa mort et sa résurrection. Jésus est en prière. Il parle avec son Père. Quelle chance pour nous de pouvoir écouter ce que Jésus est en train de dire à son Père. Nous avons des oreilles indiscrètes. Car nous écoutons ce qui ne nous est pas adressé. D’ailleurs nous savons que la prière de Jésus est caractérisée, marquée par la recherche de la volonté de son Père : « Que ta volonté, non pas ma volonté, soit faite. » Ou bien l’affirmation de ce que le Père fait selon sa sainte volonté : « Loué sois tu pour avoir révélé les mystères du Royaume aux tout petits ». Mais par notre prière par contre demande à ce que Dieu fasse notre volonté. Nous ne cherchons pas à faire la volonté de Dieu. Pourtant notre prière doit nous aider à vouloir faire la volonté de Dieu. Oui ! Nous avons la chance inouïe d’entendre cette prière qui vient de son cœur, comme un testament spirituel. Quel est donc le contenu de cette prière ? Dans cette prière Jésus demande au Père non seulement que ses disciples soient unis mais qu’ils soient un. Cette communion fraternelle est basée sur la communion entre Jésus et Son Père, entre Fils et Père : comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi. » Les disciples de Jésus doivent vivre entre eux la vie même de la Sainte Trinité : vie de communion fraternelle dans la charité. Jésus et son Père sont un dans leur désir, dans leur vouloir, dans leur amour l’un pour l’autre, et ils sont aussi un dans leur amour pour l’humanité, et pour le monde. C’est par cet amour que le Père a envoyé le Fils au monde, à l’humanité. Et le Fils a manifesté cet amour jusqu’au bout de sa vie sur terre. Par conséquent, la mort du Fils sur la croix est le sommet de cette manifestation de la charité universelle. Une charité qui se vaut amour fraternel d’une fraternité universelle. C’est une communion des cœurs, des esprits, des mentalités… St Paul nous invitera à avoir l’esprit et la pensée de Jésus. Cette communion ne concerne pas les disciples qui étaient présents au vivant de Jésus mais englobe les disciples de tout le temps « ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi » Il s’agit de ses disciples de tout le temps, y compris de notre époque, de nos jours… par conséquent nous devons être un, il ne s’agit pas d’une uniformité, d’une fusion ni d’une confusion mais plutôt d’une communion qui s’enrichit de nos diversités comme le bouquet de fleurs… sa beauté se trouve dans la diversité de couleurs de fleurs qui la composent. Car la communion authentique respect les légitimes différences. Cette riche diversité source de beauté me rappelle un chant que la chorale de Maradi chante : Kowa na da magana sama – Au Ciel chacun a droit à la parole. Quelle beauté d’entendre nos différents accents : haoussa, fulfuldé, kanouri, songhoï, moore, zerma, gourmantché, tamasheq, fon, mina, kotocholi, et j’en passe. N’était-il pas merveilleux quand nous étions ensemble hier soir avec nos frères et sœurs des autres confessions religieuses pour célébrer les merveilles du Seigneur ? Quel signe de communion fraternelle des enfants de Dieu ! Dans sa prière Jésus demande en plus « Que leur unité soit parfaite ». Vous savez Jésus ne fait pas les choses à moitié, il va jusqu’au bout… « Que leur unité soit parfaite » ; « que notre unité soit bien parfaite. » Ignace d’Antioche parlerait dans sa lettre aux Ephésiens de « l’unité immaculée de l’Eglise » (2,2) Cette prière de Jésus pour l’unité, et pour une unité parfaite ne doit pas nous étonner. Car Jésus est mort pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés de par le monde entier, de par l’univers. Sa mission du bon Berger est d’aller à la recherche de tous les brebis même celles qui ne sont pas de son bercail ! de son enclos. Une mission de rassembler. Le Christ est rassembleur, et dans les mots d’Iréné de Lyon : il est ‘récapitulateur’. Par conséquent cette unité a une perspective missionnaire. Pour que le monde croie que tu m’as envoyé Cette unité est apostolique, c’est la dimension missionnaire de la communion fraternelle : « pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » La christologie de St Jean insiste à temps et à contre temps que Jésus est l’envoyé du Père. Le Père l’a envoyé par amour pour le monde : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son fils pour que quiconque croie en lui… » Cet envoi se cristallise dans l’incarnation où « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » A vrai dire il a élu domicile parmi nous car il est l’Emmanuel, Dieu avec nous. Cependant, après la résurrection il dira aux disciples, aux onze : « comme le Père m’a envoyé, je vous envoie… » Si le Fils est l’envoyé du Père, l’Eglise est, par conséquent, l’envoyée du Fils. L’Eglise n’est pas là, n’existe pas, pour elle-même, elle est envoyée au monde, elle est pour le monde. Ce sera un grand péché si l’Eglise devenait autoréférentielle. Elle se concentre sur elle-même. Par contre elle doit être ouvert au monde, car elle est le sel de la terre et surtout la lumière du monde (lumière des nations autrement dit – lumen gentium). Les disciples non seulement continuent et perpétuent la mission de Jésus mais sont les témoins fidèles de sa communion avec le Père. Leur vie doit annoncer le mystère de la vie de Jésus Christ… Ils sont habités, animés par la gloire que le Père a donné à son Fils, Jésus. Pour ce faire Jésus leur manifeste l’amour qui anime la Sainte Trinité, il manifeste et fait connaître le Père : la source de cet amour. Il leur révèle le nom du Père : « Dieu est amour », « Dieu aime » … Le Christ leur donne cet amour pour qu’ils le partagent autour d’eux… car Jésus a vécu cet amour jusqu’au bout (le « boutisme » de la charité divine), et il en est mort pour ses disciples, pour ses amis…pour monde entier. C’est un amour inclusif, un amour universel. C’est suite à Jésus que nous pouvons comprendre l’attitude d’Etienne dans la première lecture quand il était face ses persécuteurs. Arrêté, condamné à mort et puis exécuté, avant de mourir Etienne pourra dire « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Il pardonne à ses bourreaux, ceux qui le lapidaient. Il faut être dengue, autrement dit, il faut être fou de Dieu, fou de Jésus Christ, pour pouvoir agir ainsi, pour pouvoir agir de la sorte. Quand nous étions un peu plus jeunes nous disions que la vengeance c’est un plat qui se mange chaud. Le pardon ne faisait pas partie de notre vocabulaire… L’attitude d’Etienne doit nous interpeller nous qui voulons vivre en chrétien aujourd’hui dans un monde polarisé où la violence est devenue pain quotidien. Est-ce que le pardon fait partie de notre façon de vivre ? Est-ce que le pardon est le ciment de nos relations sociales ? de notre vivre en société ? En tant que disciples du Christ, à l’instar d’Etienne, nous sommes appelés à être un « signe de contradiction » (Lc 2 :3’ ; cf. Mtt 10 :21), source de contradiction : une vie qui interpelle, qui provoque admiration, car authentiquement évangélique. Et le pardon en est un ! Une autre intention de la prière de Jésus est centrée sur une perspective future. Il demande au Père que ses disciples soient avec lui là où il sera : « je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire… » Cette intention très riche en enseignements nous apprend que c’est le Père qui lui a donné ses disciples et que sa gloire vient aussi du Père. Dans l’éternité les disciples doivent contempler cette gloire. Etienne en a eu l’avant-goût avant de mourir car il a vu le ciel ouvert d’où il a vu la gloire de Dieu et Jésus à la droite du Père. Quelle merveille ! car la gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu. C’est dans cet esprit que Jésus voudrait qu’à la fin du temps ses disciples contemplent sa gloire en sa présence. Au début de mon ministère d’évêque du diocèse de Maradi Je rêve de vivre la joie d’un clergé uni, Je rêve de vivre la joie d’un diocèse uni, Je rêve de vivre la joie d’une Eglise catholique unie, Je rêve de la joie de vivre l’unité de toutes les dénominations chrétiennes unies, Je rêve de la joie de vivre dans une humanité unie, réconciliée… Où les enfants qui jouent dans nos quartiers et dans nos villages sont tout rayonnants de joie, Où les jeunes sont animés de grandes aspirations légitimes d’un avenir meilleur et Où les vieux et les vielles savourent la joie d’une vie bien vécue et d’une mission accomplie ! La vie de prière de Jésus doit nous provoquer à lui demander : « Seigneur apprend-nous à prier. » (Lc 11 :1-13). Le contenu de sa prière dans l’épisode de l’évangile d’aujourd’hui nous invite à vivre dans nos communautés une unité parfaite caractérisée et cémentée par le pardon reçu et donné. Que Dieu nous donne la force et la grâce de vivre la communion fraternelle dans le pardon. Amen